[English] Si vous viviez à Dakar, au Sénégal, il y a une dizaine d'années, vous savez que l'eau — ou plutôt le manque d’eau, pour être plus juste — constituait un véritable défi quotidien. Les pénuries étaient fréquentes. Les services qui étaient supposés distribuer l’eau n'avaient ni les ressources pour répondre à la demande, ni l'argent nécessaire pour réparer le réseau censé faire parvenir le peu d'eau disponible jusqu'aux usagers. Puis la Banque mondiale s'en est mêlée. Elle a aidé le gouvernement sénégalais en incitant le secteur privé à investir dans le réseau de distribution d'eau et dans sa gestion. Et elle a mis en place un contrat de performance pour s'assurer que les investisseurs privés tiendraient leur promesse d'améliorer l'approvisionnement.
Aujourd'hui, 99% de la population de Dakar a accès à l'eau potable, et le Sénégal est sur la bonne voie pour atteindre l'objectif du Millénaire pour le développement relatif à l'eau d'ici 2015. Les deux compagnies des eaux du pays, la SONES et la SDE, sont financièrement viables et le secteur ne reçoit pas de subventions directes de l'État. Si des problèmes subsistent, par exemple en matière d'accès aux services d'assainissement, les efforts du Groupe de la Banque mondiale pour impliquer le secteur privé dans l'approvisionnement en eau de la capitale sénégalaise ont été largement couronnés de succès.
On désigne sous le terme de « partenariat public-privé », ou PPP, ce type de contrat où des investisseurs privés financent des services qui étaient traditionnellement fournis par l'État. La Banque mondiale apporte son soutien sous la forme de PPP dans 134 pays, mais cela ne représente que 2 ou 3 % du marché mondial. Avec une si petite part de marché, une question évidente se pose : comment le Groupe de la Banque mondiale peut-il vraiment faire la différence dans ce domaine ?
La dernière étude réalisée par le Groupe indépendant d’évaluation (IEG) sur le soutien apporté par le Groupe de la Banque mondiale aux PPP a tenté de répondre à cette question. Elle a relevé que les exemples de réussite étaient nombreux, tout en soulignant la nécessité de fournir davantage de conseil stratégique aux pays clients et de mieux impliquer la population.
Est-il possible de combler le déficit d'infrastructures par le biais des PPP?
Dans le cas du Sénégal, l'approche transparente et participative que la Banque mondiale a adoptée, notamment dans le cadre de consultations régulières avec des groupes de la société civile, a joué un rôle essentiel, de même que sa connaissance approfondie des investisseurs et des conditions locales. Le partenariat public-privé mis en place a été précédé d'une réforme complète du secteur réalisée avec l'appui du Groupe de la Banque mondiale. Celle-ci a notamment conduit à séparer les activités liées à l'eau entre les infrastructures, la distribution et l'assainissement, ainsi qu'à trouver un consensus autour des réformes. La question des augmentations de prix, très sensible d'un point de vue politique, a été résolue en mettant en place un programme de subventions croisées entre les usagers à hauts et à bas revenus, ce qui a permis aux plus pauvres d'accéder aux services.
Les enseignements tirés de ce projet s'appliquent aussi à d'autres PPP que le Groupe de la Banque mondiale a appuyés dans les secteurs de l'énergie et des transports. Sur la période 2002-2012, près de la moitié des programmes visant à réformer les secteurs d'infrastructures ont échoué, ce qui est particulièrement inquiétant du fait que ces réformes constituent une condition préalable au succès des partenariats public-privé.
Selon notre évaluation, les responsables politiques n'ont souvent pas le courage de prendre les mesures nécessaires pour introduire des tarifs transparents, ou ils ne parviennent pas à introduire des dispositifs intelligents de subventions croisées susceptibles de permettre aux pauvres d'accéder à l'eau, à l'énergie ou à des routes correctes. Il a été constaté que l'implication de l'État constitue en réalité le seul facteur déterminant pour la réussite d'un partenariat public-privé.
Cela constitue donc également un aspect auquel le Groupe de la Banque mondiale doit davantage prêter attention. Nous en avons conclu que, au-delà de fournir des conseils techniques, la Banque mondiale doit renforcer ses efforts visant à impliquer les bons décideurs dans le processus ainsi qu'à faire comprendre les effets positifs potentiels des PPP à la population.
Vers une approche plus stratégique
Trop souvent, les PPP sont considérés comme la solution au problème. Le Groupe de la Banque mondiale doit s'efforcer de mieux évaluer la situation spécifique d'un pays et de mieux aider les États à décider s’il est opportun d’impliquer le secteur privé et, si oui, comment. En bref, l'appui de la Banque mondiale doit être davantage stratégique.
L'IFC, l'organisme du Groupe de la Banque mondiale chargé des opérations avec le secteur privé, doit également s'efforcer de travailler avec le bon pays, au bon moment. L'évaluation a montré que les investissements de l'IFC concernent bien trop souvent des pays déjà avancés. Si ses opérations de PPP sont généralement couronnées d'un grand succès dans ces pays, l'IFC pourrait avoir davantage d'impact en matière de développement en reportant une partie de ses investissements vers des pays où les dispositifs PPP ont moins été testés.
Comme nous l'avons constaté au Sénégal, la Banque mondiale peut faire la différence dans le domaine des PPP, et c'est même déjà le cas. Selon l’IEG, la Banque mondiale pourrait encore accroître l'impact de son action en adoptant une approche plus stratégique visant à ce que son aide atteigne les bons pays et prenne pleinement en considération le contexte local.
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