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Addressing Gender Inequalities in Countries Affected by Fragility, Conflict, and Violence

Aperçu

L’augmentation du nombre de situations de fragilité et de conflit au cours des dernières années a incité le Groupe de la Banque mondiale à renforcer son engagement dans les pays en situation de fragilité, de conflits et de violence (FCV) et à affiner son approche afin de traiter les inégalités entre les sexes dans ces contextes. La stratégie FCV du Groupe de la Banque mondiale 2020-2025 reconnaît que la fragilité, les conflits et la violence (FCV) affectent et sont affectés par les inégalités entre les sexes et que ce constat appelle des réponses stratégiques et opérationnelles sur mesure.

La présente évaluation estime la qualité de l’aide apportée par le Groupe de la Banque aux pays en situation de fragilité, de conflit et de violence (FCV) pour la promotion de l’autonomisation économique des femmes et des filles (WGEE) et la recherche de solutions au problème de la violence basée sur le genre (VBG). Dans ce but, elle évalue l’aide apportée par le Groupe de la Banque à l’aune de cinq élément : dans quelle mesure l’aide du Groupe de la Banque (i) est basée sur des éléments probants, est contextualisée et répond aux besoins et priorités des bénéficiaires (pertinence) ; (ii) implique les principaux acteurs dans le processus de changement, y compris dans l’établissement de son objectif et sa trajectoire (appropriation inclusive) ; (iii) atteint efficacement ses résultats attendus et s’attaque aux causes profondes des inégalités entre les sexes (profondeur) ; (iv) est conçue pour garantir le progrès dans le temps (durabilité) ; et (v) vise à produire des effets à grande échelle (échelle). Cette exigence est justifiée par le fait que, comme il est reconnu dans de nombreux documents stratégiques et institutionnels du Groupe de la Banque mondiale, ces cinq critères sont nécessaires pour produire des résultats significatifs et durables, pour créer un « changement transformationnel» comme cette évaluation le définit.

Cette évaluation propose une analyse approfondie des situations rencontrées dans six pays (Burkina Faso, Tchad, République démocratique du Congo, Liban, Îles Salomon et République du Yémen) auxquels la Banque mondiale et la Société financière internationale (SFI) ont fourni une aide visant à développer l’autonomisation économique des femmes et des filles (WGEE) et à prévenir et prendre en charge les violences basées sur le genre (VBG) au cours des 10 dernières années. Cette évaluation s’est appuyée sur différentes activités : un examen approfondi de documents (de type analytique, opérationnel et stratégique) ; plus de 200 entretiens avec des personnels de la Banque mondiale et de la Société financière internationale, des partenaires gouvernementaux et des parties prenantes nationales et internationales ; et des visites de terrain, des groupes de discussion et des entretiens en face à face au Burkina Faso. L’analyse et l’interprétation des résultats se sont aussi appuyées sur une large revue de la littérature concernant les interconnexions entre l’autonomisation économique des femmes et des filles (WGEE), la violence basée sur le genre (VBG), la fragilité, les conflits et la violence (FCV) ainsi que sur une recherche empirique sur les mesures qui ont démontré leur efficacité dans la lutte contre les inégalités entre les sexes en contexte de FCV.

Le défis

Lutter contre les inégalités entre les sexes afin de produire un changement pertinent, inclusif, profond, durable et extensible dans les environnements fragiles et à risque est une tâche extrêmement complexe qui exige des compétences, une collaboration et des capacités locales justement là où ces ressources sont particulièrement rares. Cette évaluation a établi que l’aide apportée par le Groupe de la Banque mondiale aux pays en situation de fragilité, de conflit et de violence (FCV) en vue de renforcer l’autonomisation économique des femmes et des filles (WGEE) et de rechercher des solutions au problème de la violence basée sur le genre (VBG) est pertinente et cohérente et qu’elle encourage l’appropriation inclusive, mais qu’elle est beaucoup moins souvent profonde, durable ou extensible. Il est important the souligner que la profondeur, la durabilité et l’échelle sont rarement associées dans une même conception de projet (la figure O.1 représente la répartition des cinq éléments évoqués plus haut dans les projets analysés par l’évaluation et leurs chevauchements). Ces résultats ont diverses implications. Premièrement l’inclusion d’éléments de changement transformationnel dans la conception des projets montre clairement que le Groupe de la Banque poursuit activement l’objectif de la lutte contre les inégalités entre les sexes dans les pays en situation de fragilité, de conflit et de violence (FCV). Deuxièmement, le renforcement et le développement de chacun des éléments s’est heurté à des difficultés. Troisièmement, les projets ne parviennent pas à combiner les 5 éléments.

Figure O.1. Eléments contribuant au changement transformationnel dans les projets étudiés

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Un diagramme de Venn montrant les éléments du changement transformationnel souligne qu'il n'y a pas de projets avec les cinq éléments

Figure O.1. Eléments contribuant au changement transformationnel dans les projets étudiés

Source : Groupe indépendant d’évaluation

Si le principal défi est de produire un changement à la fois pertinent, inclusif, profond, durable et à l‘échelle, cette évaluation a aussi révélé les constats spécifiques suivants par rapport à chacun des cinq éléments analysés.

La pertinence des interventions est meilleure lorsque leur conception intègre un diagnostic sexospécifique (ou de genre) en vue d’identifier les besoins et contraintes des femmes et des filles. Les projets qui identifient et font face aux mécanismes de discrimination sexuelle en tenant compte du contexte, de la dimension culturelle, et de l’hétérogénéité des femmes et des filles produisent des interventions adaptées aux différents groupes de femmes rencontrés. Le recours aux quotas de femmes visant à augmenter le nombre de femmes bénéficiaires n’est efficace que lorsque le projet s’attache également à lever les obstacles qui empêchent les femmes et les filles de bénéficier du projet. Malgré les difficultés rencontrées pour adapter son modèle économique aux contextes de FCV, la SFI a démontré à travers certains de ses investissements (par exemple dans l’institution de microfinance libanaise Al Majmoua) que cet objectif est atteignable.

Les dispositifs favorisant l’appropriation inclusive dans leur mise en œuvre sont relativement peu courants dans les projets étudiés. L’évaluation a révélé que le Groupe de la Banque mondiale combine souvent « appropriation dans le pays » et « appropriation par le client », mais que cette relation privilégiée avec l’État ne laisse que peu de place à d’autres acteurs, locaux, en particulier. La consultation des parties prenantes et communautés locales, y compris les organisations féminines, a souvent pour but de susciter l’appropriation, mais rarement d’impliquer les acteurs locaux à la conception du projet.

Les projets ayant plus de profondeur, c’est à dire ceux qui s’attaquent aux causes profondes des inégalités entre les sexes, sont peu nombreux (c’est, par exemple, le cas du projet pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel (SWEDD) au Burkina Faso et au Tchad). L’objectif de la profondeur nécessite, pour être atteint, des approches intégrées et multisectorielles associant diverses interventions (par exemple, le soutien de la demande et de l’offre de services), et de maintenir un parfait équilibre entre les deux, chose que peu de projets ont réussi à faire. Les travaux d’analyse visant à identifier les liens entre l’autonomisation économique des femmes et des filles (WGEE) et la VBG, et, par ailleurs, capables de favoriser une conception plus profonde du projet sont également peu courants. Certains des travaux de la SFI analysent l’effet négatif de la VBG sur la WGEE, par exemple sur l’absentéisme, le taux de roulement des travailleurs, la faiblesse de la productivité ou les risques professionnels, ainsi que les réponses que les entreprises peuvent apporter sur ces questions.

La planification délibérée de la durabilité de la prévention et des réponses apportées à la WGEE et à la VBG – et du renforcement de la capacité des pays à promouvoir durablement la WGEE et la lutte contre la VBG – demeure rare. Le soutien des initiatives existantes et des acteurs locaux s’est révélé être une approche efficace, de même que l’amélioration des environnements propices à la WGEE et à la prévention et la lutte contre la VBG – à savoir le cadre politique, juridique et institutionnel, à la fois formel et informel, comme l’ont fait le projet pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel (SWEDD), et le Mécanisme pour l’égalité des sexes au Mashreq (MGF) au Liban.

Rares sont les projets qui ont été conçus pour produire des changements à grande échelle en matière de WGEE et de prévention et de lutte contre les VBG. Quelques-uns visaient un élargissement géographique pour augmenter leur nombre de bénéficiaires, tandis que d’autres, comme les projets de filets sociaux au Sahel, relevaient d’une logique de renforcement des systèmes nationaux ou infra-nationaux. L’évaluation n’a identifié aucun projet ayant basé sa tentative de changement d’échelle sur des partenariats ou une coordination avec d’autres organismes donateurs, en vue de formuler une stratégie commune proposant des programmes plus ambitieux et complémentaires, ou une « offre unique ».

Les dilemmes

Le Groupe de la banque a dû se résoudre à trois dilemmes dans la poursuite de ses objectifs en matière de WGEE et de VBG au sein d’un même projet. Le premier dilemme concerne l’impossibilité de garantir la présence simultanée des critères de changement transformationnel, notamment la profondeur, la durabilité et l’échelle, dans le même projet. L’évaluation a observé un seul cas dans lequel les objectifs d’échelle et de changement profond ont été atteints dans une seule et même conception de projet, et aucun exemple de réalisation simultanée des trois objectifs. Par exemple, les projets de filets sociaux nationaux sont par nature de grande envergure mais ils n’ont pas souvent une grande profondeur. De même, beaucoup de projets intégrés profonds sont à petite échelle et pas encore durables. Le deuxième dilemme se produit entre les différentes parties de la théorie du changement, niveau auquel les projets individuels n’ont pas d’efficacité. Le soutien à la WGEE et la lutte contre les VBG exigent des approches holistiques et intégrées impliquant divers secteurs. Or les projets individuels étudiés ne possédaient pas la taille ni les ressources nécessaires pour pouvoir prendre en charge simultanément toutes les interconnexions et interventions sectorielles. Certains projets, par exemple, opéraient une stimulation excessive de la demande au regard de l’offre existante. Le troisième dilemme survient lors de la jonction des objectifs humanitaires d’urgence et des objectifs de développement (il s’agit souvent d’un dilemme « temporel » entre le court et le long terme en contexte de FCV). Beaucoup d’informateurs clés, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs au Groupe de la Banque, ont reconnu la difficulté qu’il y a à faire face à la fois aux effets de la fragilité et des conflits (en pourvoyant aux besoins humanitaires élémentaires des femmes, des hommes, des filles et des garçons) et aux facteurs à l’origine de la fragilité, des conflits et des inégalités entre les sexes (à fin de construire la paix et la résilience et promouvoir le développement durable pour tous).

Les progrès vers l’atteinte des résultats

Bien que la conception des projets ait encore ses limites, le Groupe de la Banque n’a cessé d’améliorer la pertinence, la profondeur, l’appropriation inclusive, la durabilité et l’échelle de ses interventions dans le but de soutenir la WGEE et à lutter contre les VBG.

Cette évaluation a révélé que plusieurs projets contenaient des améliorations, concernant la restructuration ou la deuxième étape de conception, qui augmentaient leur pertinence et leur profondeur, et parfois leur échelle et durabilité. L’innovation était facilitée par le recours à les diagnostic genre et par les enseignements tirés de la mise en œuvre de projets antérieurs, ainsi que par le recours à l’expertise en matière de questions genre afin de pallier les lacunes de conception, d’accroître le budget alloué au soutien à la WGEE et à la lutte contre la VBG, et de garantir la continuité, la flexibilité et l’adaptation du projet en temps voulu.

Le Groupe de la Banque a aussi introduit des projets innovants à partir de 2019. La quasi-totalité de ces nouveaux projets porte sur des questions de fragilité, de conflits et de violence (FCV), et ciblent à la fois les effets et les facteurs à l’origine de FCV, y compris les conflits et le changement climatique, ce qui allège le dilemme entre objectifs humanitaires et de développement. Plusieurs de ces projets ont adopté des approches décentralisées et communautaires incluant les femmes et d’autres groupes marginalisés, et ils ont pour objectif de construire la résilience et la paix.

Pourtant, le dispositif reste focalisé sur une logique de projets individuels (ce qui intensifie les trois dilemmes). Ces projets individuels ont du mal à garantir la durabilité et l’extensibilité des approches profondes pour la WGEE et la lutte contre les VBG ; prennent parfaitement en compte la nature holistique et multisectorielle des interventions complexes ; et ils répondent aux besoins humanitaires et respectent les objectifs à long terme de l’égalité des sexes, de la résilience et de la paix.

Transiter de l’approche axée sur le projet vers un engagement stratégique au niveau du pays pour lutter contre les inégalités entre les sexes peut être l’occasion pour l’institution de s’attaquer à la question des dilemmes identifiés par la présente évaluation. Pour ce faire, elle pourra mobiliser la totalité de son portefeuille d’activités et instaurer un dialogue politique régulier sur les questions d’égalité des sexes ainsi qu’une coordination et une collaboration avec ses partenaires en matière de développement pour les questions d’égalité des sexes dans le pays.

Le Groupe de la Banque peine néanmoins à adopter une approche d’engagement dans le pays pour lutter contre les inégalités entre les sexes. L’évaluation a révélé que le modèle « Diagnostic systématique du pays (SCD)-Cadre de partenariat-pays (CPP) » des six pays en situation de fragilité, de conflit et de violence (FCV) analysés n’inclut pas d’approche à long terme spécifique de lutte contre les inégalités entre les sexes dans ces pays, et que la focalisation des stratégies pays sur les VBG et la WGEE, lorsqu’elle est présente, a tendance à disparaître d’une stratégie à l’autre. Du fait de ces ruptures, il est plus difficile d’établir des liens à long terme entre les différents projets. En outre, les stratégies pays indiquent rarement comment associer différentes activités du portefeuille d’un pays pour atteindre des objectifs de haut niveau en matière de WGEE ou de VBG. Par ailleurs, le travail d’analyse n’étudie pas de manière satisfaisante les liens de cause à effet entre les « inégalités entre les sexes » et les problèmes de FCV, même si les récentes Évaluations des risques et de la résilience sont plus susceptibles que les précédentes d’aborder les inégalités entre les sexes, et particulièrement les liens entre la FCV et la GBV.

Les cadres de suivi et d’évaluation de projet ne permettent pas d’identifier clairement les résultats liés à la WGEE et aux VBG, ni la pertinence, l’appropriation inclusive, l’ampleur, la durabilité et l’échelle des résultats et processus de changement. Peu de résultats ont, à ce jour, été documentés dans les cadres de suivi et d’évaluation en raison de défauts de conception et de mise en œuvre, des limites constatées des indicateurs, et du fait que les projets innovants les plus prometteurs sont très récents. Si les projets ont bénéficié d’améliorations récentes du suivi et de l’évaluation, ce qui leur permettra de mieux saisir les résultats à l’avenir, plusieurs critères du changement transformationnel (comme l’appropriation inclusive, les modifications apportées à l’environnement habilitant, le renforcement des capacités et quelques autres) ne font néanmoins toujours pas l’objet d’un suivi.

Les cadres de résultats des stratégies pays utilisent généralement des indicateurs tirés de projets individuels pour mesurer les réalisations du projet (ce qui se limite souvent à sa portée) et non pas la manière dont il a contribué aux progrès réalisés par le pays aux fins de l’égalité des sexes.

Facteurs habilitants et contraignants du changement transformationnel

Cette évaluation a identifié quatre groupes de facteurs habilitants et contraignants susceptibles de renforcer ou d’affaiblir l’efficacité transformationnelle de l’aide apportée par le groupe de la Banque aux pays en situation de fragilité, de conflit et de violence (FCV) à travers la lutte contre les VBG et la promotion de la WGEE, sachant que ces facteurs ont été évalués au regard des cinq critères évoqués plus haut. Ces facteurs sont : la priorisation par le Groupe de la Banque de la WGEE, des VBG et de l’égalité des sexes ; les modalités de la collaboration, de la coordination et de l’engagement avec les parties prenantes ; le recours à des ressources et capacités humaines et financières ; et les facteurs contextuels des pays en situation de fragilité, de conflit et de violence (FCV) concernés, y compris la dynamique des conflits, les normes sexospécifiques (ou normes de genre), la Covid-19, et le degré de conscience et la capacité des partenaires de mise en œuvre.

Priorisation de l’autonomisation économique des femmes et des filles, de la violence basée sur le genre et des inégalités entre les sexes

La lutte contre les inégalités entre les sexes liées à la WGEE et aux VGB constitue rarement une priorité dans les stratégies pays ou les projets pays. Les entretiens organisés avec des membres du personnel du Groupe de la Banque ont montré que souvent ceux-ci considèrent les inégalités entre les sexes comme une priorité en concurrence avec de nombreuses autres. Ce constat est aussi corroboré par le fait que de nombreuses stratégies pays identifient la question de l’égalité entre les sexes comme une « question transversale » en omettant de préciser quelles sont les questions d’égalité des sexes ou les exemples d’écarts entre les femmes et les hommes qui font partie des domaines prioritaires de la stratégie. Aucun informateur important extérieur au Groupe de la Banque ne considérait le fait de donner la priorité à l’égalité entre les sexes comme un avantage comparatif pour le Groupe de la Banque, et beaucoup admettaient que le Groupe de la Banque aurait la capacité de soulever les problématiques de genre dans les discussions sur les politiques mais s’en abstenait. L’évaluation a toutefois identifié des projets n’ayant pas défini d’objectifs liés à l’égalité entre les sexes, mais dont la conception devenait pertinente et s’approfondissait dès lors que l’équipe et la direction du projet estimaient utile d’identifier les points d’entrée de la lutte contre les inégalités entre les sexes dans le cadre de ces projets.

Ressources humaines et financières

Les projets ayant reconnu leur capacité à soutenir la WGEE et à lutter contre les VBG, et ayant affecté des ressources suffisantes à ces missions étaient mieux équipés pour obtenir des résultats en matière de WGEE et de GBV. Au contraire, les projets n’ayant pas affecté de budget à la hauteur de leur objectif de promotion de la WGEE ont eu du mal à obtenir des résultats dans ce domaine. En particulier, les projets ayant bénéficié de conseils en matière de genre avaient, dans leur conception, un plus grand nombre d’éléments transformationnels. Les experts en genre étant souvent rares dans les pays, les Unités de gestion-pays et les équipes de projet ont du mal à accéder à des conseils de qualité en matière de genre, et la coordination interne et externe sur les questions d’égalité des sexes, de même que la présence régulière du Groupe de la Banque dans les réseaux de promotion de l’égalité des sexes, ne sont pas garanties.

Modalités de l’engagement, collaboration et coordination

La coordination et la collaboration du groupe de la Banque sont efficaces avec les partenaires de mise en œuvre et sur des projets spécifiques, mais elles sont insuffisantes avec les organisations féminines, les autres partenaires techniques et financiers et les ONG internationales sur la question plus générale de l’égalité des sexes. La collaboration avec les ministères chargés de la promotion des droits des femmes et les autres institutions gouvernementales responsables des questions d’égalité des sexes est également insuffisante et irrégulière. Le Groupe de la Banque n’exploite pas les résultats de ses discussions avec les organisations de la société civile pour améliorer la planification et la conception des projets, au risque de compromettre leur réussite. L’engagement du Groupe de la Banque auprès des acteurs clés du changement, comme les leaders d’opinion, ou les hommes et les garçons, reste limité mais il se développe avec le temps. Enfin, la planification descendante peut compromettre la réalisation des résultats attendus en matière de WGEE et de GBV si elle ne s’accompagne pas de consultations suffisantes.

Facteurs contextuels

Si le Groupe de la Banque a du mal à réaliser le changement transformationnel en matière de GBV et de WGEE dans les pays en situation de fragilité, de conflit et de violence (FCV) en raison des facteurs contextuels, il reste souvent possible, et nécessaire, d’anticiper et d’intégrer ces facteurs dans les activités des projets. Le Groupe de la Banque a géré de plusieurs manières la dynamique des conflits, depuis la collaboration avec les agences des Nations Unies ou l’adoption d’approches décentralisées face à des conflits de longue durée dans des pays n’ayant pas de gouvernement capable de tenir le rôle d’interlocuteur (par exemple en République du Yémen), jusqu’au réajustement des interventions et l’adoption d’approches innovantes pour maintenir le soutien à l’autonomisation des femmes et des filles impactées par l’éclatement d’un conflit (comme au Burkina Faso). La Covid-19 a aussi rendu indispensable l’adaptation des projets en basculant les échanges en personne vers l’aide en distanciel, ce qui, au passage, a pénalisé les populations les plus démunies habitant des zones reculées. Le Groupe de la Banque a adopté différentes approches pour prendre en compte les normes de genre (ou sexospécifiques), notamment l’« imbrication » des interventions sensibles, comme la gestion des cas de VBG, dans des interventions socialement acceptées ; la sensibilisation des communautés aux interventions remettant en cause les normes de genre ; et l’adaptation aux normes de genre, par exemple en soutenant l’autonomisation économique des femmes dans leurs activités traditionnelles. Il a aussi mis en œuvre une solution plus transformationnelle en s’engageant sur le plus long terme aux côtés de communautés locales et d’acteurs clés du changement dans le but de transformer les normes de genre – par exemple par la création d’espaces d’échange favorisant le dialogue dans la communauté et de s’engager auprès des hommes, des garçons et des leaders d’opinion sur le thème de la « masculinité positive ». La prise de conscience et la capacité des partenaires à promouvoir la WGEE et de lutter contre les VBG varient d’un pays à l’autre mais sont globalement faibles.

Recommandations

Les résultats de cette évaluation ont été intégrés à quatre recommandations destinées à permettre au Groupe de la Banque d’améliorer l’aide qu’il apporte aux pays en situation de fragilité, de conflit et de violence (FCV) pour la promotion de la WGEE, la prévention et la lutte contre les VBG, et la promotion de l’égalité des sexes.

Pour renforcer son orientation stratégique en matière de WGEE, de prévention et de lutte contre la VBG, et d’égalité des sexes, la Banque Mondiale et la SFI vont devoir :

  • Rendre plus explicites les priorités concernant l’égalité des sexes (y compris sur la WGEE et les GBV) au sein des stratégies pays, en s’appuyant sur des analyses de données solides (essentiellement les Diagnostics-pays systématique (DPS) et l’évaluation des risques et de la résilience de la Banque mondiale) et en collaborant avec les parties prenantes principales. Cette priorisation explicite implique (i) d’identifier des objectifs d’égalité des sexes fondamentaux à long terme portant non pas sur une seule mais sur plusieurs stratégies-pays, qui devront être en cohérence avec le contexte et les besoins du pays et opérer une transformation de l’environnement capacitant ; (ii) de définir des objectifs à moyen terme plus ciblés qui devront être en cohérence avec les objectifs fondamentaux de la stratégie pays et contribuer à fédérer les différents instruments, institutions et interventions sectorielles du Groupe de la Banque autour de ces objectifs ; (iii) de coordonner et de collaborer entre les différentes équipes du Groupe de la Banque au sein de l’Unité de gestion-pays et des Pratiques mondiales et au niveau institutionnel; et (iv) d’exploiter le pouvoir d’influence du Groupe de la Banque pour mettre en avant de manière cohérente les questions d’égalité des sexes dans les dialogues politiques.
  • Favoriser l’engagement auprès des communautés, de la société civile, des organisations féminines, des autorités locales et des autres parties prenantes en vue de définir des objectifs d’égalité des sexes et les dispositifs nécessaires pour les atteindre. Ces engagements impliquent (i) d’identifier de manière participative des priorités liées à l’égalité des sexes (y compris la WGEE et les VBG) ; (ii) d’adapter les interventions aux contextes spécifiques de la FCV, en s’appuyant premièrement sur des engagements ascendants (de la base au sommet) auprès des parties prenantes locales pendant la phase de conception ; (iii) d’adopter des approches flexibles et décentralisées pour faire face aux contraintes locales et réduire les risques liés au projet ; et (iv) s’appuyer sur les connaissances, les processus et les capacités locales pour renforcer l’appropriation locale et la sensibilité culturelle et, au bout du compte le caractère durable de l’intervention.

Pour mobiliser des ressources et des partenariats à une échelle en rapport avec son engagement d’aider les pays à promouvoir la WGEE et à prévenir et lutter contre la VBG, le Groupe de la Banque devra :

  • S’assurer que les pays touchés par la FCV aient accès à une expertise en genre parfaitement adaptée au contexte afin de soutenir les projets ainsi que l’engagement dans le pays. Cette expertise en genre doit permettre (i) de soutenir une réflexion stratégique en vue de diagnostiquer et d’identifier des priorités liées à l’égalité des sexes et de les intégrer aux stratégies pays  ; (ii) de garantir la qualité de la conception, du suivi et de l’évaluation des projets ; (iii) d’exploiter efficacement le pouvoir d’influence du Groupe de la Banque en vue de soutenir l’engagement au niveau du pays avec les parties prenantes concernées dans le but d’identifier les priorités liées à l’égalité des sexes, de les traduire dans des politiques et des programmes, et d’assurer leur mise en œuvre, leur suivi et leur évaluation ; et (iv) d’améliorer la capacité du personnel et des parties prenantes locales du Groupe de la Banque à lutter contre les inégalités entre les sexes dans les contextes FCV.
  • Coordonner et collaborer avec les parties prenantes internationales concernées, engagées dans la promotionde l’égalité des sexes dans le pays, y compris les acteurs humanitaires. Le renforcement de la coordination et de la collaboration devrait donner à chacun de ces acteurs de nouveaux atouts à faire valoir pour atteindre les objectifs communs. Cette collaboration devra renforcer l’adoption du nexus humanitaire-développement-paix et garantir la participation du Groupe de la Banque aux plateformes et groupes de coordination nationaux sur les questions d’égalité des sexes afin d’échanger des connaissances et des enseignements tirés de l’expérience, de promouvoir des initiatives communes de dialogues politiques, et de créer des synergies entre les interventions pour renforcer leur profondeur, leur ampleur et leur viabilité.