Alors que la Banque mondiale se dirige vers Marrakech pour la tenue de ses Assemblées annuelles 2023, un récent rapport du Groupe indépendant d’évaluation (IEG) consacré au partenariat avec le Maroc offre l’occasion de se pencher sur ce qui a fonctionné ou pas dans cette collaboration. Un exercice d'autant plus utile que l’action de la Banque mondiale dans ce pays illustre à bien des égards ce que tente de faire l’institution avec sa « Feuille de route pour l’évolution », et entre autres mieux répondre aux besoins des pays à revenu intermédiaire.

IEG a utilisé des techniques d’évaluation innovantes pour rendre compte d’une riche décennie de partenariat avec le Maroc (2011-2021), en s’appuyant sur des données solides et des éléments probants. Le rapport met ainsi en lumière la manière dont la Banque mondiale a su ajuster son action au gré de l'évolution des circonstances nationales, dans un souci permanent de pertinence. Il montre comment la Banque a géré les dynamiques de l'économie politique marocaine, tiré les leçons de ses succès et de ses échecs, et mobilisé toute la gamme de ses instruments pour contribuer aux résultats du pays. À cet égard, le rapport souligne aussi comment renforcer l’orientation sur les résultats.

Se concentrer sur nos avantages comparatifs dans un environnement hautement concurrentiel

Comme c’est généralement le cas dans les pays à revenu intermédiaire, la Banque mondiale figure parmi un grand nombre d’acteurs du développement au Maroc. Dans cet environnement, les autorités marocaines sélectionnent avec soin les partenaires vers lesquels se tourner pour des conseils de politique générale. Au fil des ans, la Banque a appris à peser sur les réformes et à conjuguer, avec souplesse et efficacité, ce dialogue stratégique avec la production d'analyses et de données en temps utile. Elle a par exemple exploité ses outils de comparaisons internationales — indicateurs sur l’évolution de la richesse des nations, indice de capital humain et classement Doing Business — pour engager un dialogue et informer les priorités du Maroc dans les domaines de la gouvernance du secteur public, du développement de la petite enfance, et de la compétitivité des marchés et l’environnement des affaires.

La Banque mondiale a su aussi parfois faire passer la reconnaissance de son travail au second plan, au profit de son impact. En témoigne la manière dont elle a stratégiquement tiré parti de l'élaboration du dernier mémorandum économique sur le Maroc (2017) pour en faire une opportunité de dialogue avec les autorités sur des réformes sensibles et contribuer in fine à informer la refonte du modèle de développement national. Dans d’autres domaines complexes comme les subventions et les retraites, la Banque mondiale a fait le choix de limiter son rôle à la réalisation d’analyses « juste à temps », en veillant ainsi à ne pas compromettre les réformes par une présence plus importante.

Un soutien unifié au sein de la Banque mondiale pour catalyser la croissance du secteur privé

Conscientes que le manque de concurrence bride la croissance tirée par le secteur privé et entrave le développement économique, les autorités marocaines ont entrepris de mettre en place un environnement plus favorable aux entreprises.

Selon une démarche complémentaire, la Banque mondiale et la Société financière internationale (IFC) ont œuvré au renforcement d’organisations nationales qui promeuvent des règles de concurrence loyale. Avec l’appui indéfectible de la Banque, le Conseil de la concurrence a été en mesure d'instruire des affaires antitrust et d’infliger des sanctions. IFC s’est attachée pour sa part à renforcer les capacités de contrôle du crédit de la banque centrale, tout en contribuant à la création de deux centrales de risques privées, du premier registre national des sûretés mobilières et de nouvelles solutions d’accès au crédit.

Affronter des défis mondiaux

Ces dernières années, la Banque mondiale a aidé le Maroc à affronter à la fois la pandémie et sa vulnérabilité au changement climatique en adoptant de nouvelles approches.

Engagée de longue date dans un dialogue stratégique avec le Maroc, la Banque mondiale est devenue le partenaire privilégié du gouvernement dans la mise en place d’un système de protection sociale moderne, à commencer par la création d’un registre social. La Banque a facilité un échange Sud-Sud destiné à introduire une technologie d’identification biométrique de pointe. Devant la nécessité de réformer davantage à la suite de la pandémie de COVID-19, les travaux analytiques préparatoires de la Banque mondiale, son assistance technique continue et ses investissements dans les systèmes de protection sociale sont devenus l’ossature de la réforme en cours.

En apportant de nouvelles solutions dans divers secteurs, la Banque mondiale a également accompagné l’action du Maroc contre le changement climatique. Elle s’est notamment associée au ministère de l'Intérieur pour mettre au point un mécanisme de financement et de renforcement des capacités qui a permis aux autorités locales et aux organisations de la société civile d’entreprendre des projets de préparation aux catastrophes naturelles. La Banque a également utilisé son pouvoir de mobilisation, ses partenariats avec d’autres banques multilatérales de développement et ses instruments financiers pour atténuer les risques d’innovation pris par le Maroc en devenant le pionnier régional de l’énergie solaire concentrée.

Un processus permanent d’apprentissage et d’ajustement

L’évaluation a également mis en évidence plusieurs domaines dans lesquels la Banque mondiale a peu progressé et pour lesquels elle manque encore de solutions appropriées. Elle a obtenu un succès limité dans la promotion des partenariats public-privé et a eu du mal à transposer dans des opérations concrètes les résultats de ses diagnostics sur l’employabilité des jeunes et les faibles taux d'activité des femmes. Les marges d'amélioration sont considérables et la Banque doit continuer à apprendre et s’adapter.

Le gouvernement marocain a une idée claire des atouts comparatifs de la Banque mondiale : son sens de l’innovation, sa capacité à apporter une expertise de haute qualité sur de nombreux sujets, son aptitude à formuler des solutions à des enjeux intersectoriels, ses travaux d’analyse facilement exploitables et son rôle de passeur de connaissances qui facilite l’apprentissage Sud-Sud. Alors que la Banque et ses actionnaires se réunissent à Marrakech pour déterminer comment l’institution parviendra à renforcer sa contribution au développement mondial, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire, sa collaboration avec le Maroc livre de nombreux enseignements sur la manière dont elle peut concrétiser ces attentes.

 

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